Trajectoires d'innovations sur les bioproduits à base de micro-organismes une contextualisation par l'agriculture tropicale.
Ludovic Temple  1, 2@  
1 : Département Environnements et Sociétés
Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement, CIRAD, Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement [CIRAD], CIRAD
2 : UMR Innovation
CIRAD

Auteurs:
L.Temple, CIRAD, UMR Innovation, Université de Montpellier, France
P.Fernandes, Cirad, UPR Hortsys

Avec la collaboration de : B. Mathieu, AVSF ; D. Félix, agriculteur ; F. Goulet, CIRAD, H. Sanguin CIRAD ; J. Drevon, Terre & Humanisme, JC. Meile, Qualisud ; L. Marchive, IRD ; M. de Garine Wichatitsky, CIRAD ; M. Ottou, de l'Association multimédia ; N. Eberhart, Entreprise Ethiquable ; O. Husson, CIRAD ; P. Christen, IRD ; R. Thinard, Agroécologie symbiotique ; T. Brunelle, Cirad.

Introduction 

L'utilisation des micro-organismes comme ressources constitutives de l'agriculture est historiquement ancrée dans les pratiques agricoles (compostage, lactofermentation.) des sociétés rurales depuis des siècles. La caractérisation de ces micro-organismes (virus, champignons, bactéries) par leur fonctionnalité pour restaurer la fertilité des sols, réduire l'usage de pesticides mobilise elle depuis une trentaine d'années les organisations de la société civile, entreprises, organisations professionnelles agricoles et la recherche agronomique principalement dans les pays du sud. L'augmentation, la multiplication des situations exploratoires de développement ou productives est cependant en croissance en liens par la science qui explore les conditions d'exploitation de ces ressources invisibles. Pour la recherche agronomique elles sont la promesse d'une révolution agronomique majeure qui permettra de s'affranchir des externalités négatives des intrants chimiques, mais aussi répondre à des enjeux économiques dont les couts reliés à ceux de l'énergie sont en croissance dans l'agriculture et l'alimentation. Le marché des bioproduits connaît ainsi depuis une dizaine d'année une croissance spectaculaire.

Ces nouveaux intrants peuvent être différenciés en deux catégories : les produits de lutte biologique au sens large (y compris les biopesticides) et les biofertilisants (y compris les biostimulants). Ils peuvent être autoproduit par les agriculteurs et les petites entreprises à partir de ressources locales ou faire l'objet d'un production industrielle ce qui structure potentiellement deux trajectoires technologiques qui s'affirment à l'échelle mondiale. Cette communication référence l'historicité de ces trajectoires est documente par des recherches participatives situées en quoi l'autoproduction de biofertilisants est une opportunité d'intensification socio-écologique de l'agriculture ou une nouvelle « promesse » pour solidifier l'intensification industrielle et chimique mondialisée de l'agriculture ?

Méthodologie

La démarche mobilise deux phases d'enquêtes participatives. La première structurée par différents projets explore avec un même canevas méthodologique les situations expérimentales d'autoproduction de bio-intrants à partir micro-organismes dans des pays du sud (Côte ivoire, Cambodge, Cameroun..). Chacun des contexte faisant l'objet de publications spécifiques. La deuxième conduit partant de ces situations à organisé un forum transdisciplinaire[1] qui a confronté un état de lieux des recherches dans les instituons agronomiques (inrae, cirad, ird) au regard des expériences mis en œuvre par le réseau d'acteur impliqué par des projets dans l'agriculture tropicale en Amérique latine (Équateur), Afrique (Côte d'Ivoire), Asie (Cambodge), Europe (France). Ce forum avait plusieurs objectifs : créer un échange coopératif entre les acteurs identifiés, réduire les asymétries d'informations et de connaissances, et contribuer à la capitalisation d'expériences issues de différents contextes. D'abord pour 'informer les institutions de recherche agricole, les acteurs publics et les bailleurs sur l'état des connaissances. Ensuite pour caractériser la nature des verrous et leviers à l'affirmation d'une trajectoire technologique d'autoproduction de biofertilisants à partir de ressources locales.

Résultats

Les résultats différencient deux trajectoires technologiques respectivement d'autoproduction et d'industrialisation des microorganismes dans la production de biofertilisants, puis analysent les freins à la mise en œuvre d'une trajectoire d'autoproduction de biofertilisants basée sur les ressources locales.

Une trajectoire agricole d'autoproduction de bioproduits à base de micro-organismes

L'activation des micro-organismes pour produire des intrants, conditionnés, transportés et utilisés en dehors de lieux d'existence est apparue dans les années 70 dans le développement des techniques de fermentation anaérobie des déchets organiques dans l'agriculture biologique japonaise. La participation d'ingénieurs japonais à la vulgarisation de ces pratiques en Amérique latine a initié des situations expérimentales pour la production de Bokashi. Au début des années 2000 cette expérimentation a été reprise à Cuba et structuré des investissements productif nationaux.

Dans les années 1980, les réseaux d'agriculteurs expérimentaux émergents en Amérique latine se sont diversifiés : au Costa Rica, puis à Cuba et en République dominicaine (Restrepo et Rivera 1996, 2001) puis dans différents pays (Équateur, Pérou, Colombie, Mexique, etc.). Elle documente l'émergence d'investissements par différentes catégories d'agriculteurs à l'origine de la multiplication petites unités de production qualifiés de biofrabriques par les travaux en cours (Goulet 2024). Ces situations ont généré des lieux de formation, d'échange d'expériences à l'origine de l'autoformation d'ingénieurs d'ONG francophones activent l'expansion des processus d'expérimentation en liens par les instituts de recherche agricole tropicale (CIRAD-IRD) dans l'agriculture européenne (Belgique, France, Pays-Bas, etc.), en Afrique, principalement au Sénégal et au Burkina Faso (respectivement 2017 et 2016), en Côte d'Ivoire (2020), en Guinée Bissau (2024) et en Asie (Cambodge, Vietnam).

Une trajectoire d'industrialisation de la production de micro-organismes

La deuxième trajectoire est le résultat de recherches universitaires japonaises qui ont conduit au développement standardisé de micro-organismes à base de bactéries (Teruo Higa de l'Université Ryukyus d'Okinawa) dans les années 1980. Cette recherche a structuré la création de la société EMRO qui, après avoir breveté son procédé, licencie l'utilisation de micro-organismes efficaces pour différents usages comme la production de Bokashi dans le circuit de distribution des jardineries en Europe. La mondialisation de la firme EMRO par la marque EM Efficace active une industrialisation de la production et un réseau de distributeurs à l'échelle mondiale : filiales en Europe depuis 1991 (création du groupe Agriton) et en Afrique ou Asie. Cette trajectoire est densifié en Europe par les investissement des firmes de l'agrofourniture des engrais et un nombre croissant de Startups. En Amérique latine, cette trajectoire d'industrialisation de la production de micro-organismes est au centre des investissements soutenus par le gouvernement en lien avec le secteur agro-industriel de la production de soja. Elle reste principalement polarisée par les produits de biocontrôle..

Ces deux trajectoires s'hybrident de manière complémentaire par différentes interdépendances portées par les acteurs (entreprises, instituts de recherche) qui se mobilisent dans l'amélioration des connaissance ou les expérimentations dans le système productif. Ces trajectoires sont aussi en compétitions. Les acteurs centraux qui les portent : les agriculteurs, les industries de l'agrofourniture mondialisée, les politiques publiques n'ont pas les mêmes objectifs au sein des chaines de valeur ou des territoires.

 Caractérisation du potentiel et des obstacles à l'autoproduction de bioproduits

 La comparaison des relations concurrentielles et complémentaires entre les trajectoires d'autoproduction des bioproduits et d'industrialisation qualifient les principaux freins à la mise en place d'une trajectoire d'autoproduction de biofertilisants à partir de micro-organismes locaux. Ces verrous dans une analyse matricielle (cf. tableau) peuvent être caractérisés selon deux niveaux. Le premier différencie en termes de blocages intrinsèques aux processus lui-même (faiblesse) ou à des menaces externes, c'est-à-dire à des variables externes (macro-institutionnelles, économiques) qui peuvent provoquer un changement d'échelle dans l'expansion des conditions de production et d'utilisation de ces bioproduits. Le second séquence ces bocages internes ou externes selon leur dimension : économique, écologique, technique, socio-écologique.

Subject : : Research contributions (Abstract)
Topics : Session 3 - Innovations on microorganisms promising bio-economic intensification of agroecology - proposed by Ludovic Temple
Keywords : Bio ; intrants ; Agriculture tropicale ; Trajectoires technologique ; innovation
PDF version :  PDF version

  • Poster
Loading... Loading...